364 jours de bienveillance, un jour de gentillesse ?
On nous invite aujourd’hui à célébrer la gentillesse. Nous avons été surprises d’apprendre qu’il fallait lui consacrer une journée particulière alors que, depuis tout petit, on nous serine d’être gentil…
D’ailleurs, n’est-ce pas une partie du problème ? La gentillesse n’est-elle pas attachée inconsciemment au monde de l’enfance, au temps de la bienheureuse naïveté et des batailles de billes en classe primaire (sois gentil, laisse-lui son calot) ? Oripeaux dont nous nous dépouillons en grandissant, douchés par la traversée du collège, souvent tout sauf « gentil », puis de la compétition au lycée… avant d’entrer dans le monde adulte, où soyons honnêtes, la gentillesse est trop souvent associée à de la faiblesse magnanimement regardée de haut. Et ce particulièrement dans le monde du travail (« Oui, oui, Chloé est bien gentille mais …. ») où elle serait réservée à certaines professions…
Pourtant, le Larousse en donne la définition suivante : « la gentillesse est le caractère de quelqu’un qui est d’une complaisance attentive et aimable, fait preuve de bonté« . Et selon Wikipédia, qui adoucit ce ton légèrement suranné : « la gentillesse est un comportement altruiste destiné à prendre soin des autres, tenant en compte la sensibilité d’autrui afin de ne pas le brusquer ou l’offusquer ». Alors dans la jungle du travail, l’homme reste -t-il toujours un loup pour l’homme ?
Et dans ce monde des grandes villes, avide de performance et d’efficacité, où courent des gens pressés, où le temps est rythmé, compté, minuté, peut-on s’arrêter plus d’une journée par an pour être gentil, et prendre en compte la sensibilité d’autrui ? Est-ce mettre en danger notre performance que de mettre en pratique le sage adage de nos grands-mères « tourne sept fois ta langue dans ta bouche avant de parler », évitant ainsi tant de proférer des âneries, que de blesser inutilement un interlocuteur sensible ? Est-ce que la gentillesse nous coûte tant, et diminuerait-elle l’aura de notre pouvoir ? En instituant une journée spéciale de la gentillesse, ne la rend-on pas un plus inaccessible, oubliant l’amabilité du quotidien, et la simple attention à ceux qui nous entourent ?
On peut être un gentil manager performant (et vous sentez là le poids du contraste) : Il ne s’agit pas d’éviter les reproches, mais de bien les formuler, d’entrer dans une culture du feedback bienveillant. Car la gentillesse peut aussi amener à ouvrir les yeux de son salarié sur ses manquements, en vue de l’aider à progresser, pas à pas, et de mettre en marche les étapes de cette progression. Pour cela, il faut déjà apprendre à décrypter le « langage » de l’autre, ce à quoi il est le plus sensible afin d’adopter le ton qu’il « recevra » le mieux (et pour cela je vous invite à vous référer notamment à l’article de Fabienne https://www.talents-unis.com/focus-sur-les-fondements-de-la-methode-4colors/).
Une parole étayée, argumentée et, vraie sera généralement mieux reçue qu’un simple non, infantilisant. Après, évidemment, la gentillesse n’exclut pas les décisions, le recadrage, le licenciement si besoin car… à la gentillesse (ou au management bienveillant) répond la loyauté et l’engagement.
Et il est également trop facile de critiquer son management, de l’accuser de mille maux, sans prendre en considération les individus qui sont derrière ces titres et qui peuvent être sensibles à la critique. Attendre de la bienveillance, du respect de la gentillesse, sans les pratiquer soi-même serait pour le coup bien immature et nous ramène sur les bancs du collège où le professeur endosse si souvent la responsabilité de la mauvaise note, forcément injuste. Nous avons grandi, et pourtant, avons-nous appris à décrypter le comportement de l’autre pour accorder nos ressorts (à défaut des violons) et adopter la stratégie qui nous amènera ensemble au succès d’une mutuelle compréhension.
C’est vrai, cela demande un petit effort au départ, un peu de pratique ensuite, mais cette « gentillesse », entendue comme la prise en compte de la sensibilité d’autrui semble être la recette facile pour une meilleure Qualité de vie au travail (la tant recherchée QVT). Imposons la gentillesse au travail !
Alors, si vous n’êtes pas obligés d’attendre le 3 novembre pour monter le panier de course de votre voisine âgée, guider ce touriste perdu, perdant 5 minutes et gagner un sourire qui vaut les meilleurs KPI, vous pouvez aussi répandre la gentillesse comme un fléau sur vos bureaux, et nous dire, le 3 novembre 2023, ce qu’il en aura résulté ! La gentillesse se répandra-t-elle aussi vite que la Covid ?
Et enfin, que cela ne vous empêche pas d’être particulièrement attentif et serviable aujourd’hui, un bouquet de fleurs, du temps gratuitement offert, un service rendu tant espéré, sont gratifiant pour celui qui le reçoit mais aussi pour celui qui le donne.
Adhérons aux 364 jours de gentillesse par an (parce que l’erreur est humaine et nul ne saurait être parfait du premier coup) !
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